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Introduction - Les Cités éducatives : de l’ambition politique aux réalités locales

  • lauriegenet
  • 17 mai
  • 7 min de lecture

Nées d’une volonté de renforcer la coordination des acteurs éducatifs dans les quartiers prioritaires, les Cités éducatives se sont rapidement diffusées sur tout le territoire. Mais que recouvre exactement cette appellation ? Entre cadre officiel, déploiement et mise en œuvre concrète, nous proposons ici une première lecture synthétique afin de mieux comprendre ce dispositif, devenu incontournable, des politiques éducatives locales.


1. Un dispositif né d’un contexte politique et social particulier 🏛️


Les Cités éducatives ont été officiellement lancées en 2019 par le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de la Ville, dans un contexte où les inégalités éducatives persistantes dans certains territoires appelaient une réponse renforcée et coordonnée. L’ambition affichée : faire des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) des "laboratoires d'expérimentation", en soutenant la réussite des enfants et des jeunes de 0 à 25 ans par une approche globale et territorialisée, "avant, pendant, autour et après l'école".

Un dossier de presse en 2024 présente les cités éducatives comme "des quartiers à haute valeur éducative".


Cette initiative s’inscrit dans une continuité de dispositifs éducatifs territorialisés, mais elle se distingue par son caractère interinstitutionnel fort et la mise en œuvre d'une troïka composée de représentants locaux de l’Éducation nationale, des collectivités locales et des services de l’État (préfectures). La gouvernance locale est structurée autour d’un trinôme : un principal de collège, un responsable des services éducatifs municipal ainsi qu'un délégué au préfet à l'égalité des chances. Cette gouvernance est conçue comme un levier au travail en silos communément employé entre ces différentes institutions. Afin de mettre en œuvre et coordonner chacune des cités éducatives, un professionnel dédié peut être recruté : un Chef de projet opérationnel, dont l'ambition est d'impulser une démarche cohérente à l'échelle locale.


L'ambition des cités éducatives est de renforcer la collaboration entre l’Éducation nationale, les collectivités locales, les services de l’État (préfectures), les professionnels, les associations et les familles, en adoptant une "nouvelle démarche", basée sur les "alliances éducatives", la "participation des publics" et "l'innovation". Cette démarche est, selon les textes officiels, à penser et construire à l'échelle de chacune des cités éducatives : ces textes sont donc volontairement très larges et peu cadrants.

Les textes officiels mettent seulement en avant trois grands objectifs :

  • Conforter le rôle de l’école : là où elle est particulièrement attendue, l’École doit être plus attractive et rayonnante sur son environnement.

  • Promouvoir la continuité éducative : la continuité éducative doit être organisée autour de l’école, afin de construire un lien continu avec les parents et les autres adultes contribuant à la réussite dès le plus jeune âge et dans le périscolaire.

  • Ouvrir le champ des possibles : les enfants et les jeunes doivent trouver, dans leur environnement, les clés de l’émancipation. Les partenaires visent ici à multiplier les opportunités d’ouverture et de mobilité sur le monde extérieur.


Ces objectifs devraient être adaptés et déclinés en fonction des besoins de chacun des territoires. Leur développement a ainsi reposé sur un cadre national structurant (chartes, cahiers des charges, enveloppes budgétaires), tout en laissant une grande marge d’interprétation à l’échelle locale.

Les Cités éducatives sont aussi le produit d’un moment politique : celui d’un renforcement d'une politique territorialisée, où l’éducation devient un levier central pour agir à l’échelle locale sur des enjeux sociaux plus larges (cohésion, égalité, citoyenneté).


2. Une montée en puissance rapide et encadrée 📈


Depuis leur lancement en 2019, les Cités éducatives ont connu une croissance rapide. La première vague concernait 80 territoires sélectionnés après un appel à manifestation d’intérêt, principalement situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) également REP+ et où des enjeux sécuritaires étaient également relevés.

En quelques années, ce nombre a plus que doublé : on compte aujourd’hui plus de 200 cités éducatives labellisées, réparties sur l’ensemble du territoire national, y compris en Outre-mer.


Cette expansion témoigne d’un engouement institutionnel autour du dispositif, mais aussi d’un certain flou stratégique : les cités éducatives sont à la fois présentées comme des projets à géométrie variable, adaptés aux spécificités locales, et comme des modèles d’action publique transférables.

Aujourd'hui, l'expansion de ce label se poursuit, avec un appel à manifestation d'intérêt au long cours, permettant à l'ensemble des territoires volontaires de se porter candidat à l'obtention du label. L'ambition politique étant de permettre à l'ensemble des QPV volontaires d'obtenir le label d'ici à 2027.


Ce label est accompagné d’un financement pluriannuel pour chacun des territoires. Ces financements conséquents représentent plus de 247 M€ du secrétariat d’État chargé de la Ville sur la période 2019-2024. À l'échelle locale, les budgets octroyés sont variables, notamment en fonction de la superficie et du nombre d'habitants.

À titre d'exemple, une cité éducative établie à l'échelle de 3 QPV accueillant 14 000 habitants (indice de jeunesse de 1.2), a obtenu entre 2024 et 2027, une enveloppe annuelle de 400 000 euros. Une autre cité éducative, à l'échelle d'un seul QPV accueillant 7000 habitants (indice de jeunesse de 2.3) a obtenu une enveloppe annuelle de 235 000 euros par an.


Les cités éducatives, comme toutes politiques publique, sont encadrées, chaque année, par le biais d'un dossier bilan retraçant l'ensemble des projets réalisés à l'échelle locale et permettant d'évaluer (ou de contrôler) le fonctionnement du label.

3. Concrètement, que permet une Cité éducative ? 🛠️


À l’échelle des territoires, le label "Cité éducative" doit agir comme un levier d’action, à la fois symbolique, politique et financier. Il ne s’agit pas simplement d’un nouveau programme éducatif, mais d’une dynamique territoriale censée mobiliser un grand nombre d’acteurs autour d’un objectif partagé : “faire alliance pour la réussite des enfants et des jeunes”, de la petite enfance à l’insertion professionnelle.

Concrètement, cela se traduirait par :

  • une coordination renforcée entre les acteurs (éducation nationale, mairie, CAF, préfecture, associations, parents), soutenue par les chefs de projets opérationnels.

  • des projets financés sur des thématiques spécifiques (alliances éducatives, participation, égalité homme-femme, prévention du décrochage scolaire, soutien à la parentalité, mentorat, médiation, sports, cultures ...).


Autrement dit, chaque professionnel socio-éducatif peut choisir de construire un projet au sein d'une cité éducative afin de lutter contre les inégalités de réussite. Chacun peut également participer à des temps de concertations et de co-élaborations proposés par les gouvernances des cités éducatives, pour concevoir des projets communs.


Nous proposons ici quelques exemples qui permettent de cerner, pour chaque professionnel, la diversité des formes que peuvent prendre les projets soutenus financièrement dans le cadre des cités éducatives (l'enjeu ici n'est pas de rendre compte de projets idéaux, particulièrement novateurs, mais de présenter une petite diversité des projets financés) :

1000 premiers jours dans un continuum éducatif :

Ce projet, porté par la crèche en lien avec les écoles maternelles et la Maison de la Petite Enfance, vise à renforcer les liens entre familles, structures de la petite enfance et école. Il comprend des ateliers parents-enfants autour de la langue des signes, des passerelles crèche-école avec accueil des familles et détection précoce des besoins, ainsi que des actions culturelles ouvertes au quartier.

L’objectif est de favoriser la continuité éducative, soutenir la parentalité et améliorer l’inclusion dès la petite enfance.

Résonnance :

Porté par un enseignant et conjointement avec plusieurs établissements scolaires, ce projet repose sur l'accompagnement d'une vingtaine de jeunes filles de 12 à 18 ans dans un parcours de développement personnel, intellectuel et citoyen sur deux ans.

Il vise à renforcer la confiance en soi, l’engagement, l’ouverture culturelle et la capacité d’expression des participantes à travers des défis liés à des rencontres avec des femmes engagées (politiques, artistes, militantes…).

Le projet aboutit à des productions concrètes (exposition, documentaire) et encourage chaque participante à initier un projet personnel d’engagement, dans une logique de transmission et d’autonomisation.

Maman de quartier :

Porté par l’association U., ce projet propose un espace de parole destiné aux femmes de plusieurs quartiers prioritaires d’une ville.

L’objectif est de favoriser la réconciliation inter-quartiers en encourageant la participation active des femmes, considérée comme un levier d’émancipation et d’implication dans la vie locale.

Conçu en partenariat avec le centre social municipal, ce dispositif mise sur l’engagement des mères, qui constitue un élément central pour le financement et la réussite du projet.

Madrid :

Organisé par un groupe scolaire, ce projet propose un séjour de 4 jours à Madrid, avec hébergement en famille locale.

Les élèves découvrent la culture espagnole à travers des activités variées : séances de cinéma, visites de musées (Prado, Reine Sofia), ateliers cuisine, initiation au flamenco et spectacle.

Ce voyage favorise l’ouverture culturelle, l’autonomie des participants et le développement d’une expérience immersive, en lien avec les objectifs éducatifs et les thématiques citoyenneté et culture de la cité éducative.

Avenir :

Ce projet propose aux élèves des trois collèges de la cité éducative un parcours de découverte des métiers centré sur la création de Mini-Entreprises, les plaçant acteurs de leur orientation à travers une expérience entrepreneuriale collective et ludique.

Les jeunes participent à plusieurs journées dédiées où ils conçoivent un produit ou service, puis présentent leur projet devant un jury de professionnels et familles, développant ainsi leurs compétences en gestion de projet et connaissance du monde de l’entreprise.

Par ailleurs, des visites d’entreprises et des rencontres avec des professionnels permettent de prolonger cette immersion, offrant aux élèves une vision concrète des métiers et encourageant la mobilisation des habitants dans une dynamique de responsabilisation et d’ouverture vers le monde professionnel.

Et vous ✍️ : Quels sont les projets que vous pouvez mener au sein des cités éducatives  ? Quels ont été les projets ambitieux, novateurs qui n'auraient pu voir le jour sans ce label  à l'échelle de votre territoire ?


Perspectives : Ouvrir le champ des Cités éducatives...


Les Cités éducatives cristallisent des espoirs autour d'une nouvelle organisation du territoire (et des fonds non négligeables). En posant les bases de leur fonctionnement, ce premier temps introductif ouvre la voie à une série d’articles où l’on prolongera nos questionnements sur différents points au cœur de nos travaux de recherche :

  • La participation en Cités éducatives

  • Partenariats et alliances en Cités éducatives

  • L'innovation en Cités éducatives

  • Les processus de territorialisation des Cités éducatives

  • Et bien d'autres encore ...



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